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Taichung (Taïwan) Un ancien aéroport devenu parc urbain intelligent et multiusage

Une fois n’est pas coutume, le projet de paysage de ce mois se situe très loin de France, en Asie. Avec des problématiques très particulières… et d’autres finalement très similaires à celles de l’Occident !

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Ouvert pour un tiers au public dès 2018 après cinq années de travaux, puis en totalité lors de son inauguration le 6 décembre 2020, Central Park de Taichung, la troisième ville de Taïwan, située au centre-ouest de l’île, a été conçu par Mosbach paysagistes, Phi­lippe Rahm architectes et Ricky Liu & Associates. « Il s’agissait d’un concours international ouvert, gagné en 2011. Nos métiers sont moins développés à Taïwan que dans nos pays », explique Catherine Mosbach, « team head » du groupement. Doté de 90 millions de dollars américains de budget, ce parc public de 67 ha doit à terme devenir le centre d’un nouveau quartier de 900 ha environ, dont 200 ha en périphérie im­médiate. Sa principale caractéristique est d’avoir été construit sur l’ancien aéroport militaire de la ville, en amont de tout développement urbain.

Le climat subtropical et les particularismes locaux font de ce chantier hors norme une réalisation bien particulière. Pour l’approvisionnement en végétaux, par exemple. « La production locale se développe, mais elle a du mal à suivre la demande, explique l’architecte paysagiste, qui s’est rendue sur place une fois par mois pendant toute les phases d’étude. Et la législation insulaire ne permet pas de faire venir des végétaux de l’étranger. » Quant aux espèces utilisées, plusieurs d’entre­ elles sont méconnues dans les pays occidentaux, même si certaines, originaires de For­mose, l’ancien nom de l’île, font partie intégrante de la gamme végétale européenne. Les forêts de Ficus et Machilus, le camphrier Cinnamomum camphora, de nombreuses épiphytes ou encore les plantes juchées sur racines échasses, origi­naires des mangroves, ne sont bien sûr pas utilisées à grande échelle en France métropolitaine !

Un parc intelligent

Un autre aspect spécifique du site est la cartographie de ses différents territoires. Un maillage de sondes disposées tous les cinquante mètres capte en temps réel les paramètres de confort du parc : température de l’air, rayonnement solaire, vi­tesse du vent, particules de pollution, nuisances sonores… Une application permet au visiteur de s’orienter vers le site le mieux adapté aux activités qu’il souhaite pratiquer.

« Le parc agit comme un modérateur, il propose une variété de plages, d’espaces, de lieux où la température ambiante est atténuée, où le taux d’humidité de l’air est modulé, où la pollution est réduite, précisent les concepteurs. Une série de paramètres de conception réduisent le contraste ambiant en introduisant des paysages plus confortables. » Trois territoires ont ainsi été proposés : Play Land, Sport Land et Leisure Land. Des allées singulières relient tous ces territoires, offrant une diversité de promenades, y compris en période de mousson, où le parc est immergé à 80 %.

Le Visitor Center, de 3 500 m2, accueille un café, un point d’information, une boutique et propose trois espaces pédagogiques « en reproduisant en temps réel le climat de la montagne de Jade, à Taïwan (Coolium), la journée sèche perpétuelle du 21 novembre à Taichung (Dryium) et le climat en temps réel à Taichung, mais sans la pollution industrielle et l’effet de réchauffement climatique (Clearium) ».

La gestion d’une eau devenue rare

Au-delà de ces singularités et exotismes, on peut aussi, à Central Park Taichung, réaliser un grand nombre de parallèles avec les problématiques traitées désormais au quotidien dans le monde occidental, en plus évidemment de la notion de rafraîchissement des villes par les plantes, qui devient un totem en Europe. La disponibilité en eau en est un exemple. « Taïwan a surexploité ses forêts, les sols ruissellent sans recharger la nappe. L’eau de pluie est par tradition évacuée à toute vitesse dans des cours d’eau canalisés hors emprises urbaines. Les réserves d’eau potable sont désormais insuffisantes. L’eau du robinet a été récemment coupée deux jours par semaine pour motif de pénurie », explique Catherine Mosbach­.

Le programme, développé sur la base du projet urbain­ établi par l’architecte américain Stan Allen, a exigé la gestion de toutes les eaux de pluie du nouveau quartier en gardant 70 % du sol du parc poreux. Surtout, une grande partie du site est à même de se remplir d’eau de pluie afin d’absorber les importantes précipitations qui peuvent s’abattre durant la mousson, en été. Le travail de plissement de sols, visant à créer des lits to­pographiques, sur environ deux kilomètres du nord au sud, recueille et infiltre cette eau dans la nappe. Des allées hautes ainsi que des passerelles permettent de fréquenter le parc à ces périodes. En saison sèche, ces jardins inondables redeviendront des sites dédiés aux activités récréatives. Les sols en béton, asphalte et pierre sont plus ou moins perforés pour l’optimisation de ce procédé d’infiltration.

La fonction pédagogique du site est également importante. Des équipements et panneaux explicatifs permettent aux habitants de prendre conscience des ressources offertes par la nature et la valeur qu’elle apporte au quotidien. Se pose aussi, parmi les problématiques partagées par le monde entier, la question de l’énergie renouvelable. Le concept de parc intelligent, le traitement des données émises par les capteurs, les infrastruc­tures du parc, mais aussi son éclairage nocturne nécessitent de l’électricité. Près de un hectare de panneaux photovoltaïques ont été installés au-dessus de 900 places de stationnement au nord et au sud, pour un site autonome en énergie.

Impossible de recenser ici tout ce que l’équipe de conception, installée dans l’Hexagone, a mis en œuvre dans un parc aussi étendu et aussi novateur que Central Park Taichung. Mais pas question de passer sur les 12 000 arbres plantés, qui se sont ajoutés aux 1 000 existants transplantés sur le site. « Nous avons planté en toutes tailles, précise Catherine Mosbach. Les petits arbres s’ins­tallent mieux, mais varier les dimensions permet de donner de la profondeur et de la pérennité au projet dans un temps long. » Les 83 % d’espèces indigènes choisies ont été enrichies par des « invitées ». Plus de 220 000 arbustes et fleurs et au moins 340 000 plantes pour la phytoremédiation, afin de traiter les eaux usées des futurs quartiers, ont aussi été implantés. Le tout dans plus de 185 espèces différentes. La diversité est éga­lement un marqueur important, qui relie ce parc du bout du monde avec les problématiques hexagonales, et plus largement des pays développés !

Pascal Fayolle

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